La France contre l’euro ?

Publié le par J-MENECHAL


Profitant de la crise, les " antimaastrichtiens " de 1992 ne prennent-ils pas leur revanche ? Car le Pacte de stabilité n'est pas seulement mis entre parenthèses, il a volé en éclats. Les chiffres annoncés aujourd'hui par Cristine Lagarde, la ministre des Finances, donnent le tournis: un déficit de - 8,5% du PIB ne 2010, contre - 8,2% cette année, un retour sous le plafond des 3% du Pacte de stabilité renvoyé en 2015 (je répète:2015) et encore à condition que la croissance soit d'au moins 2,5 % d'ici là, une dette qui atteindra les 86 % du PIB l'année prochaine (contre 22% en 1981), l'effet spirale vers les 100% et au-delà paraissent bien engagé. Autant dire que le retour à l'équilibre des comptes publics n'aura sans doute jamais lieu, comme le ironiquement un diplomate allemend : " c'est toujours demain avec la France, ce qui veut dire jamais". 


Il n’a pas tout à fait tort, puisque les 2,5 % de croissance nécessaire à un simple retour dans les clous du Pacte de stabilité paraissent hors de portée : dans sa dernière « EU Economy Review », la Commission européenne estime ainsi que la croissance potentielle de l’Union sera limitée à 1,5 % durant plusieurs années, les effets à long terme de la crise se conjuguant au vieillissement de la population… Bref, l’Hexagone s’enfonce inexorablement dans les déficits et la dette. Même si, aujourd’hui, personne ne conteste que cela soit nécessaire pour faire face à la crise, on peut néanmoins déjà s’interroger sur les choix de politique économique et fiscale (du bouclier fiscal au cadeau TVA restauration en passant par l’exonération des droits de succession) de Nicolas Sarkozy qui ont aggravé une situation qui n’avait pas besoin de l’être. En 2008, il faut le rappeler, le déficit français était déjà de -3,4 % alors que la crise n’avait pas encore produit ses effets.

 

À la même époque, l’Allemagne était quasiment à l’équilibre (- 0,1 %), faut-il le rappeler ? Ce n’est pas un hasard si les comptes publics allemands sont bien moins dégradés qu’en France : partant de beaucoup moins loin, le déficit est inférieur à 3 % en 2009 (contre 4 % attendu) et sera sans doute sous les 6 % prévus en 2010. Ce qui pose la question de la stratégie de sortie de crise, la reprise étant annoncée, même si elle demeure fragile.

 

Côté français, le choix est fait : le chef de l’État semble avoir définitivement enterré le Pacte de stabilité, poussé par son conseiller spécial Henri Guaino, opposant de toujours à la monnaie unique, comme le montre sa décision de lancer un « grand emprunt » dont personne ne sait quoi faire (la preuve : il a fallu créer une commission ad hoc…). Le problème est que parallèlement, et tout aussi unilatéralement, l’Allemagne a choisi de renouer avec la rigueur budgétaire dès la crise terminée : en juin 2009, le Bundestag et le Bundesrat ont introduit dans la Loi fondamentale allemande l’interdiction des déficits pour les Länder à partir de 2020 et, à compter de 2016, sa limitation à -0,35 % du PIB pour l’État fédéral. L’arrivée au pouvoir des libéraux du FDP ne va pas arranger les choses : adeptes de la rigueur budgétaire, ils restent totalement opposés à tout « gouvernement économique » de l’Union qui, pour eux, signifie laxisme généralisé, ce qui n’est manifestement pas tout à fait faux comme le montre la période récente…

 

C’est à un vrai retour aux fondamentaux auquel on assisterait : une France endettée et dépensière, une Allemagne vertueuse et économe… Mais un tel couple infernal peut-il partager la même monnaie ? On peut en douter : car la Banque centrale européenne (BCE), seul gouvernement économique de la zone euro, sera contrainte de jouer les « pères fouettards » à l’égard des mauvais élèves en augmentant ses taux d’intérêt. Autrement dit, l’Allemagne sera privée du fruit de ses efforts, c’est-à-dire de taux d’intérêt bas, à cause d’une France impécunieuse, et sera donc condamnée à une croissance anémiée. À l’avenir, l’euro ne servira plus qu’à protéger les mauvais élèves de la classe et à pénaliser les bons qui seront condamnés à faire des efforts pour tous.

 

En clair, le pacte fondateur de l’euro (la stabilité du mark contre l’orthodoxie budgétaire) est rompu au détriment de l’Allemagne : combien de temps mettra-t-elle avant de sortir de la monnaie unique ? Henri Guaino et ses amis doivent bien s’amuser de cette revanche qui s’annonce. Le problème est que ce n’est pas l’Allemagne qui paiera les pots cassés d’une implosion de la monnaie unique, mais la France. Ce scénario n’est pas écrit d’avance : mais on voit mal la France effectuer des révisions déchirantes avant la présidentielle de 2012. Les Français ne paieront l’addition qu’ensuite.  

Source :   Coulisses de Bruxelles, UE



Publié dans National

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