Hadopi 2 : aucune réelle solution pour garantir les droits des internautes

Publié le par J-MENECHAL


Dominique SOUCHET est intervenu aujourd'hui à la tribune de l'Assemblée nationale lors de l'ouverture de la discussion générale sur le projet de loi Hadopi 2. 

 

Dominique SOUCHET s'est dit particulièrement réservé sur ce nouveau texte car il n'apporte pas de réelle solution pour garantir les droits des internautes. 

 

A partir du moment où il est possible d'utiliser la connexion d'un tiers pour télécharger illégalement, il y a un risque que la loi sanctionne les victimes et non les coupables. Les « voyous de la toile » pourront donc continuer à vivre du téléchargement illégal en toute impunité. 

 

Le projet de loi Hadopi 2 n'apporte aucune solution non plus pour pérenniser le financement de la création artistique. 
Dominique SOUCHET propose donc la mise en place d'une licence globale de téléchargement qui permettrait de rémunérer les artistes sans attenter à la liberté des internautes. 

 

Retrouvez l'intégralité de son intervention ci-dessous :

 

Monsieur le Président,

 

Madame le Ministre,

 

Monsieur le Ministre,

 

Mes chers collègues, 
 

      

Le projet de loi complémentaire que nous étudions aujourd'hui est d'une importance capitale pour le quotidien de millions de Français.  

      

A la suite de la censure du Conseil Constitutionnel, le nouveau texte permet à la justice de recourir à des procédures simplifiées par la voie d’ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique. Les atteintes aux droits d'auteur et droits voisins commises sur internet pourront être sanctionnées par la suspension de l'abonnement. 

     

Les réserves qui ont été les nôtres sur le projet de loi Hadopi 1 se reportent tout naturellement sur Hadopi 2 dès lors que la même logique l'inspire, que la même approche a été retenue et que l'ensemble du dispositif initial est reconduit à l'exception du volet pénal. Hadopi 2 n'apporte pas non plus de réponse convaincante à la question du respect de la propriété intellectuelle sur internet : il est en effet déjà obsolète avant même son entrée en application.

 

Pourquoi ? A cause de la multiplication des sites de contournement qui se mettent en place : sites opérant un changement automatique d'adresse IP dès que l'internaute s'y connecte ; sites permettant le cryptage des fichiers avant téléchargement ; sites détournant les réseaux VPN de leur usage initial. Le contournement de la loi est donc déjà en application. Adopter ce projet en l'état, c'est donc accepter de porter atteinte à la crédibilité du processus législatif lui même. Ce n'est pas sain. Seules durent les lois qui sont applicables et qui peuvent être respectées. 

      

Le second motif d'inquiétude, c'est que ce soit les particuliers les moins aguerris à l'usage d'internet, en particulier les familles, qui soient les plus pénalisés et non les pirates les plus avertis qui auront toujours la possibilité d'usurper l'identité d'un internaute et de lui faire porter la responsabilité d'actes de piratage qu'il n'a pas commis. 

      

A partir du moment où il est possible d'utiliser la connexion d'un tiers pour télécharger illégalement, il y a un risque que la loi sanctionne les victimes au lieu de sanctionner les coupables. Les « voyous de la toile » pourront donc continuer à vivre du téléchargement illégal en toute impunité. 

     

Pour autant, la production culturelle doit être défendue et ne pas être livrée aux pilleurs de la toile. 

     

Il convient donc d'envisager des solutions alternatives. 

      

Dans un premier temps, il faut garantir aux internautes que leur anonymat ne sera pas menacé. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'amendement, déposé par Monsieur le rapporteur, qui prévoit d'exclure la surveillance des e-mails. 

      

A moyen terme, nous devons déjà songer à l'après Hadopi, car je suis convaincu que cette loi montrera très vite ses faiblesses. 

      

Mon sentiment est que pour répondre aux deux problématiques que sont le respect des droits d'auteurs et la garantie des droits des internautes, nous ne pouvons pas faire l'économie de la mise en place d'une licence globale de téléchargement, en veillant bien entendu à ce qu'il n'y ait pas rupture d'égalité.


           L'industrie musicale s'ouvre peu à peu à cette idée en découvrant le potentiel économique qu'elle représente.  


            Ainsi l'ancien président du Conseil d'administration de la Sacem, Monsieur Laurent Petitgirard, expliquait il y a huit jours qu'il était favorable à cette formule :

  


« Il ne s'agirait évidemment pas de légaliser l'échange sauvage de fichiers via le peer-to-peer, mais de fournir une licence qui donnerait accès à des sites de téléchargement correspondant aux différents fournisseurs d'accès et fournis en fichiers sains par les producteurs, où l'abonné pourrait télécharger toutes les œuvres qu'il voudrait ».

 
            L'instauration d'une taxe de l'ordre de 6 euros par exemple, payée pour une moitié par le fournisseur d'accès à internet et pour l'autre par son client, serait économique viable. Si l'on prend en compte les 18 millions d'abonnés haut débit en France, une telle disposition permettrait au marché du disque de doubler le volume  de ses recettes pour atteindre 1,3 milliard d'euros par an, sans pour autant menacer la liberté des internautes.

 
            Cette évolution des mentalités s'observe également à l'étranger. Aux États-Unis, par exemple, Warner Music travaille depuis maintenant quatre mois à un projet de licence globale en collaboration avec les fournisseurs d'accès Internet, ce qui confirme que cette voie mérite d'être sérieusement explorée. 

      

En définitive, Hadopi 2 risque de poser plus de problèmes qu'il n'en résoudra et le moment viendra inéluctablement où nous devrons substituer à un dispositif de surveillance intrusif, lourd et inefficace, un système de licence globale crédible et applicable permettant de rémunérer les artistes sans attenter à la liberté des internautes. 

Publié dans National

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